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Chrétiens de gauche romands, Yverdon-les-Bains ; samedi 28 janvier 2017

Tu aimeras la Création comme toi-même !

La traditionnelle journée d’étude des Chrétiens de gauche romands (CGR) s’est déroulée le samedi 28 janvier à Yverdon-les-Bains. Consacrée à la sauvegarde de la Création, elle a bénéficié des interventions de M. l’abbé Canisius Oberson, aumônier de la Pastorale neuchâteloise du Monde du Travail, de M. Philippe Roch, ancien directeur de l’Office fédéral de l’environnement, et de M. Michel Maxime Egger, responsable du Laboratoire de la transition intérieure à Pain pour le Prochain.

L’intention des organisateurs était d’aborder le problème de l’écologie sous l’angle de la responsabilité individuelle et collective dans une perspective globale, donc au-delà des aspects techniques et des moyens concrets à mettre en oeuvre.

L’abbé Oberson a ouvert la réflexion à partir du «divin pari» du Créateur qui ne nous a pas confié le monde clé en main, mais a fait de l’homme un «créateur à son image». Si les croyants ne peuvent espérer réussir cette mission sans Lui, Dieu a donc choisi de ne pas faire le monde sans nous ! Vu l’impact de ses réalisations, l’homme est bel et bien un co-auteur de la Création. Mais ne se comporte-t-il pas comme un enfant qui massacre le cadeau qu’il a reçu ? Et qui nie sa responsabilité: c’est pas de ma faute, c’est le serpent…

M. Egger a mis en évidence la nécessité de prendre conscience du fait que nous sommes actuellement mis en face des limites de la croyance en une progression continue. Refusant le déni de la réalité de ceux qui pensent que la technologie et le génie humain résoudront les problèmes, refusant aussi tout découragement face à une catastrophe inéluctable, il prône une espérance active, une transition personnelle et collective, spirituelle, philosophique et culturelle, qui vise la transition d’un système destructeur vers un système protecteur de la vie. Une écologie intégrale qui passe d’une vision utilitaire de la nature à la reconnaissance du fait qu’elle est le lieu de la présence de Dieu. Une intelligence intégrale qui ajoute à l’intelligence rationnelle l’intelligence émotionnelle. Cela implique la capacité de s’émerveiller devant la beauté de la nature, de réfléchir sur le long terme de notre impact, sur les limites du tout-économique, sur notre responsabilité envers tous les hommes. Le «militant-méditant» pourrait faire sien un nouveau commandement: «Tu aimeras la Création comme toi-même».

Animée par M. Roch, qui n’a pas manqué de l’enrichir de ses remarques personnelles, la discussion a prouvé la réceptivité de l’assistance. Les chrétiens de gauche, qui ont toujours cherché à «donner un supplément d’âme» au socialisme, sont partants pour en faire autant à l’égard de l’écologie. Ils y sont d’ailleurs encouragés par l’encyclique Laudato si’ du pape François, plusieurs fois cité au cours de la journée. Comme l’a relevé M. Roch, le positivisme a abouti à une vision du monde, de l’humanité, de l’économie qui n’a plus besoin de Dieu. En choisissant Mamon comme référence, mais aussi en se contentant de chercher des solutions technologiques (catalyseurs, panneaux solaires, …), on oublie que c’est la juste place de tous les humains, de toutes les créatures, de la vie, qui est en jeu.

La religion de la consommation (qui a ses temples, ses hymnes, ses apôtres et ses fêtes (dont, ironie, Noël ! note du rédacteur) nous a menés à une addiction sévère, aux conséquences destructrices pour les individus comme pour la société. A traiter comme d’autres addictions: en suscitant l’envie de s’en sortir, en montrant que les efforts à faire apporteront des bienfaits et non des frustrations et en évitant les jugements ou les condamnations.

Le combat écologique est donc bel et bien spirituel, et pas seulement technique. Il est intégral puisqu’il vise à la protection de la nature et de tous les humains et à la sérénité de l’individu.

J.-F. Martin

Secrétaire des CGR

(paru dans l’Espoir du Monde, n° 166 – mars 2017)